SORTIES
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Last Stop : Yuma County
Au milieu de nulle part, des « braves gens » sous la menace d’un duo de braqueurs sans vergogne. Même si les ingrédients dégagent un parfum de déjà vu, la recette de ce film noir et amère ne manque pas d’épices.

Slow
Recadrer l’intime

Gangs of Taïwan
Dans de belles couleurs froides, Keff tisse un portrait en demi-teintes du Taïwan moderne.

Kouté Vwa
A travers le jeune Melrick, le réalisateur fait revivre son petit cousin Lucas Diomar, assassiné en 2012.

Jeunesse (retour au pays)
Retour vers le présent.

L’Aventura
Un cinéma de l’infra-ordinaire
Last Stop : Yuma County
Au milieu de nulle part, des « braves gens » sous la menace d’un duo de braqueurs sans vergogne. Même si les ingrédients dégagent un parfum de déjà vu, la recette de ce film noir et amère ne manque pas d’épices.
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L’Aventura
Un cinéma de l’infra-ordinaire
COIN DU CINÉPHILE
COIN DU CINÉPHILE

Ida Lupino, cinéaste, ou la faillite du rêve américain
Le « studio system » hollywoodien, machine à décerveler …
En 1949, Ida Lupino négocie un virage à 180% dans son parcours professionnel; rompant définitivement un contrat pourtant mirifique de 1750 dollars par semaine avec Hollywood. En résistance aux sirènes hollywoodiennes, l’actrice ne supporte plus d’être chosifiée. L’usine à rêves tourne à plein et façonne des stars quitte à en faire de purs objets de profits au détriment de leurs vies personnelles.
Afin de se consacrer désormais à plein temps à ses projets ambitieux de cinéma indépendant, l’actrice franchit le pas. En association avec Collier Young et Martin Wald, elle fonde une compagnie de production indépendante: « The film makers« .
Le « studio system » était devenu pour elle une machine à décerveler autant qu’une source de frustrations et d’insatisfactions. De la nymphette ingénue de ses débuts attachée par contrat à l’écurie hollywoodienne, elle se muera en actrice dramatique au statut d’initiée.
Pionnière de la réalisation féminine après Dorothy Azner et, bien avant, Alice Guy , Ida Lupino tablera sur l’essor de la production indépendante liée à un nouveau réalisme américain et l’amorce d’un relatif déclin des productions « made in Hollywood ». Son cinéma défie les prérogatives sociales de l’ère Eisenhower allant même à l’encontre de l’opinion publique conditionnée et formatée par le système hollywoodien du mâle dominant.
Les laissé(e)s pour compte du rêve américain
La femme américaine est à l’épicentre de ses préoccupations. Si le foyer domestique est son environnement de prédilection, la femme américaine cherche à s’en émanciper sans toutefois y parvenir. Souvent mue à l’instar de son alter ego masculin par le mythe américain de la route de de la terre promise (the « promised land »), elle s’échappe du foyer antagoniste de l’arène domestique pour y être ramenée de force tel l’enfant prodigue.
Dans ses films, Ida Lupino inventorie les différents états psychiques traumatiques que trahissent ses héroïnes et héros dans leur appréhension de la modernité d’après-guerre. Ses protagonistes sont des victimes marginalisées et déchues, des existences sacrifiées (la fille-mère de Not wanted), qui trouvent le réconfort sur la toile de fond d’un paysage urbain hostile et indifférent (Le voyage de la peur). La cinéaste volontariste se penche au chevet d’une société aliénée comme cette autopsie du viol oppressant d’une jeune secrétaire -comptable d’une localité du Midwest dans Outrage. Frappée en 1934 de ce fléau qu’est la polio, elle milite ouvertement pour son éradication dans un réalisme semi-documentaire (Never fear).
Le sujet de prédilection de ces films sociétaux est la marchandisation de la gente féminine au sein d’une société patriarcale qui se formalise davantage de l’expérience traumatisante des vétérans au lendemain de l’interventionnisme américain pour sortir le vieux continent européen de l’étau hitlérien que du sort des femmes américaines au foyer, victimes de leur isolement passé à les attendre (Le voyage de la peur/Bigamie).
Jeu, set et match (1951): sexisme et « revers » de fortune sur fond de compétitions tennistiques
Bien que conventionnel et prévisible comme l’étaient les drames de situation véhiculés par le médium télévisuel naissant, Jeu, set et match offre un autre aperçu de cette volonté émancipatrice de la jeune cinéaste elle-même directement confrontée au carcan patriarcal hollywoodien. A une période façonnée par cette éclosion de la télévision dans les foyers, la jeunesse est étouffée par la famille et la figure dominante d’une autorité parentale castratrice.
S’inspirant d’un fait réel, Ida Lupino brosse ici le portrait au vitriol d’une épouse dominatrice qui se projette indument dans l’avenir de sa fille. Sally Forrest incarne Florence Farley, une jeune prodige et star montante du tennis en fin d’adolescence. La notoriété soudaine de sa fille est l’opportunité pour Millie Farley (Claire Trevor), la mère, de fuir la morne existence qui a été son ordinaire d’américaine moyenne cantonnée au foyer.
Lupino interroge la compatibilité entre la vie domestique familiale conventionnelle et les sirènes trompeuses de la célébrité. Au sexisme avéré de l’époque, elle confronte les à priori. Claire Trevor s’ingénie à fabriquer de toutes pièces un statut social à sa fille en favorisant son ascension dans le cercle restreint de la promotion de ce sport tennistique, encore élitaire.
Contesté dans sa virilité, Kenneth Patterson, le pater familias, est laissé proprement « sur le banc de touche » et dans les limbes tandis que la vie familiale se délite progressivement au gré des visées mercenaires et intéressées de la mère. C’est son acharnement émancipateur qui va précipiter le drame domestique. Habilement, la mise en scène de Lupino sait éviter l’écueil du mélo tout en exposant un tribut familial à payer lourd de conséquences.
Le portrait de l’épouse possessive et castratrice est au vitriol. Le message sous-jacent de cette série B et ses intrigues secondaires culminent en un final accablant contre une mère surprotectrice, manipulatrice et ambitieuse comblant ses frustrations de jeunesse par sa fille interposée. La décision de Florence d’abandonner la compétition pour une vie familiale rangée aux côtés de son soupirant Gordon Mc Kay (Robert Clarke) qui lui « ouvre les yeux » laisse sa mère hébétée.
Claire Trevor apparaît défaite et désillusionnée, seule et prostrée sur les gradins déserts d’un court de tennis. Les échanges de balles renvoyées aux éliminatoires résonnent en off comme le lointain écho d’une utopie de gloire et d’ascension factices brutalement interrompues. Alors qu’elle prédisait une vie de sybarite à sa fille comme à elle-même, les balles ne renvoient plus qu’un revers de fortune mortifiant dans un retour de manivelle inéluctable . L’interaction mère-fille aura été aussi fulgurante que les renvois de services du fond de court de cette dernière. Le carriérisme éhonté de la mère aura écourté la carrière prometteuse de la fille.
Pour l’anecdote, la cinéaste apparaît fortuitement lors d’ un caméo à la Hitchcock aux côtés de Robert Ryan dans un plan de coupe d’une foule de spectateurs d’un match de tennis de « l’enfant de la balle » (Sally Forrest). Ils seront castés dans La maison dans l’ombre de Nicholas Ray tourné la même année.
Le dortoir des anges (1966): les voies du seigneur sont impénétrables…
« Cet infantilisme d’esprit lui donnait la sorte de sottise qu’à un potache de seize ans » (Montherlant)
A travers les classiques hollywoodiens, le cinéma américain a été façonné et formaté par l’inconscient collectif d’une société paternaliste véhiculant les mêmes stéréotypes nourris par le seul point de vue du mâle dominant. Pour ce dernier opus cinématographique qu’on lui connaît, Ida Lupino tord résolument le cou à ce biais machiste de représentation.
L’argument de la pochade irrévérencieuse est la vie au quotidien d’un pensionnat catholique tenu par une communauté de nonnes. Sa singularité pittoresque réside dans le regard effronté et indiscipliné porté par deux potaches rivalisant d’ingéniosité pour semer la zizanie dans l’établissement. Immatures et rebelles en diable, Mary (Hayley Mills) et Rachel (June Harding) finiront par être domptées pacifiquement par l’institution. Les deux « meneuses » se distinguent de prime abord au point de devenir la source d ‘irritation constante et les bêtes noires de la mère supérieure (Rosalind Russel). Les adolescentes sont liées par un pacte de rébellion et d’espiègleries « bon enfant » qui ne parvient toutefois pas à désemparer la mère supérieure, stoïque et d’une alacrité sans faille. La voie vers le noviciat est pavée de mauvaises intentions comme les voies du seigneur sont impénétrables…
Afin de pouvoir « effectuer » normalement leur entrée en majorité (coming-of-age), elles se soumettent à une « épreuve du feu » où la plus résistante des deux n’est pas la moins délurée qui fera ses voeux au noviciat. La mère supérieure ne se départit pas un seul instant de sa superbe. Autorité stimulante et estimée , elle veille paisiblement sur les destinées de l’institution; assumant pleinement les responsabilités de sa charge. Réputées pour être des parangons de vertu, les bonnes soeurs ne sont pas partisanes de la manière forte éducative au sein de l’Eglise catholique anglicane. Après avoir voulu défier l’ autoritarisme supposé de la mère supérieure, elle devient peu à peu une source d’inspiration pour ces jeunes filles en fleur. L’épreuve de force penche rapidement en faveur d’une victoire pacifique sur l’adversité qui prêche les vertus de l’ordre et de la méditation et le retour à un conservatisme de bon aloi.
Ida Lupino, figure tutélaire de la cause féministe au cinéma
Même s’il n’est pas nécessaire de tourner les nonnes en ridicule pour vouloir les humaniser, le dortoir des anges apparaît comme un brûlot féministe libérateur dans son genre. La farce enjouée réussit allègrement le test de Bechdel-Wallace initié en 2003 par la cartooniste américaine Alison Bechdel . Cette dernière passa au tamis le cinéma américain concluant à une inégalité de traitement en faveur de la gente masculine et à un constat d’invisibilisation de la gente féminine. Avec cette comédie atypique, Lupino renverse la tendance en composant un casting quasi exclusivement féminin. Les femmes sont la norme et les hommes cantonnés à la périphérie et à la portion congrue. Ce faisant, elle réussit avec brio à éviter tout manichéisme sexiste. Dans le but de prolonger cette veine vivifiante avec Rosalind Russel en mère supérieure, James Neilson tournera une suite en 1968 : Where angels go, trouble follows.. au sein de la même institution Saint Francis Academy, si peu académique…
Le film noir, puissant révélateur des névroses de la société américaine
Les hommes et les femmes des films de Lupino sont des « losers » , des « somnambules » piégés dans les rôles sociaux qui les habitent mais pour lesquels ils n’ont que sainte aversion. Radicalement féministe dans son approche sociétale, la cinéaste engagée ouvre autant de fenêtres dans ses films qui attisent les braises de la controverse pour alerter sur l’aliénation de la femme dans la société américaine (Bigamie).
Les années 50 dessinent les contours d’une Amérique puritaine encore sous le choc des séquelles traumatiques de la guerre où de nombreux GI sont morts au front pour la patrie. Ida Lupino explore, quant à elle, la zone grise de la morale institutionnelle. On assiste à la faillite du rêve américain d’où ressort le mal-être existentiel qu’éprouvent les GIs à réintégrer la vie active. Dans Bigamie, elle humanise l’infidélité, l’adultère et la bigamie sévèrement réprimée. Les hommes, vétérans de la guerre, se réapproprient pour un temps leur masculinité et rebattent les cartes de leurs vies essentialisées dans des rôles sclérosants de soutiens de famille.
Ida Lupino opère la synthèse entre film noir et mélodrame domestique pour exprimer sa critique sociale. Dans le contexte d’après-guerre, le film noir agit comme un puissant révélateur des névroses de la société américaine. Le voyage de la peur, film préféré de Lupino, synthétise tous les manquements d’une société inapte à réinsérer ceux qui ont combattu pour sa préservation au risque de leur vie. Par la suite, l’actrice-réalisatrice se tournera vers le médium télévisuel dans les années 60 comme pour parachever une carrière doublement bien remplie.
*NDLR: ce contenu rédactionnel a été dûment élaboré par un chroniqueur sans l’assistance de l’IA ou d’un quelconque algorithme.
Précédentes Thémas

Coin du cinéphile: Ernst Lubitsch, une vie de cinéma entièrement fantasmée
Les comédies d’Ernst Lubitsch n’accusent aucun stigmate de l’âge; bien au contraire. Et rien ne saurait entacher le plaisir à nul autre pareil de les revoir sans modération. On aura pu s’en rendre compte lors de la foisonnante rétrospective que lui a consacré la cinémathèque française en mars-avril derniers. Le présent tableau synoptique balaie une production prolifique depuis ses débuts comme simple « hallebardier » au sein de la troupe du dramaturge Max Reinhardt jusqu’à l’apogée de son style qu’il maîtrise à la perfection en « Deus ex machina » providentiel sur un plateau de tournage. Présumant de ses forces, il décèdera prématurément d’une crise cardiaque à 55 ans en 1948; interrompant brutalement une carrière des plus trépidante.

Le cinéma allemand contemporain
Focus en quatre films sur une production cinématographique germanique trop rarement mise en avant.

Abel Gance ou l’exacerbation des passions sur l’écran “large” du cinématographe
C’est en étroite coordination avec le CNC, le centre national du cinéma et de l’image animée, que la Cinémathèque Française a pu concevoir, réaliser et recréer en septembre dernier les conditions d’une rétrospective foisonnante dédiée à l’oeuvre superlative, tant grandiose, monumentale, majestueuse que solennelle et grave d’Abel Gance. Temps forts.

Valerio Zurlini, un esthète intransigeant pétri de culture et de sentiments
Recension critique écrite par Alain-Michel Jourdat

Michelangelo Antonioni
A l’aune de la récente rétrospective Michelangelo Antonioni à la cinémathèque française, il nous a été permis de revoir la quasi intégralité de l’œuvre filmique du cinéaste de l’aliénation et de la névrose qui s’affranchit du néo-réalisme avant ses oeuvres de la maturité. Panorama et recension critique d’Alain-Michel Jourdat.

Cycle Roberto Rossellini
Entre néoréalisme, prémices du cinéma moderne et didactisme télévisuel.